Artistes
Mia Bailey, Fabian Chiquet, Gianin Conrad, Krassimira Drenska, Martina Gmür/Yao
Koffi, Pascale Grau, Yvo Hartmann, Dunja Herzog, Regina Hügli, Thomas Isler, Tobias Kaspar, Kathrin Kunz, Anita Kuratle, Jifei Lu, Kim Lux, Tobias Madison, Kaspar Müller, Fabio Marco Pirovino, Olaf Quantius, Holger Salach, Bettina Samson, Hildegard Spielhofer, Lena Maria Thüring, Jan Voellmy, Johannes Wald, Elmar Zimmermann, Andreas Zivkovic
La Kunsthalle Basel présente 27 propositions artistiques dans le cadre de la Régionale de cette année. Lors de la sélection des artistes, le jury (Adam Szymczyk, directeur de la Kunsthalle Basel, Annemarie Reichen, historienne d’art et curateur indépendante, et Simone Neuenschwander, curateur de la Kunsthalle Basel) a veillé à donner une vue d’ensemble des sujets et des manières de travailler sur lesquels les artistes à Bâle et dans ses alentours se penchent actuellement et qui, par leur actualité dans le contexte de l’art contemporain, se sont spécialement fait remarqués.
Cette année, l’un des accents principaux est mis sur les travaux qui abordent l’histoire spécifique d’une ville ou de certains lieux d’importance historique, s’interrogeant ainsi sur la mémoire collective d’une société. Cette approche se retrouve par exemple dans les photographies de Hildegard Spielhofer présentant des socles de monuments fragmentés dans le Tiergarten à Berlin, ou dans l’installation de Bettina Samson traitant des revendications territoriales sur une petite île, Hans Island, au Grœnland du Nord. Un nombre d’artistes, comme Lena Maria Thüring, qui a fait le portrait d’un groupe de hip hop à Mulhouse, ou Thomas Isler, qui a interrogé les clients d’un café au Caire sur les attaques terroristes à New York, s’intéressent aux documentations de la vie urbaine ainsi qu’aux réactions sociales sur les événements politiques internationaux.
Faisant référence à l’histoire de l’architecture et de l’art, une série d’œuvres travaille avec différents processus picturaux en mettant, dans la plupart des cas, l’accent sur les qualités caractéristiques du matériel ou du médium utilisé, comme le démontrent, par exemple, les travaux de Tobias Madison, d’Elmar Zimmermann ou de Gianin Conrad. Le travail intensif avec les différentes formes de la performativité est à observer, entre autres, dans les travaux de Mia Bailey, de Fabian Chiquet ou de Pascale Grau qui travaillent avant tout avec les médias de la sculpture et du film.
Salle 1
Dans le cadre de deux bourses d’atelier, Kathrin Kunz (1969) a passé en 2001 et en 2006/7 deux séjours prolongés à Paris. La métropole l’a inspirée à faire ces dessins de petit format au crayon représentant des façades de maisons néoclassiques et gothiques, souvent reproduites jusqu’au moindre détail, et alternant entre éléments géométriques et ornementaux. À côté des motifs entrelacés des façades, Kathrin Kunz montre aussi des vues abstraites de tracés compliqués des routes de cette ville aux multiples facettes rappelant, dans leur réduction formelle, des cartographies au caractère futuriste. Bien que la plupart des motifs proviennent du domaine de l’architecture, on trouve aussi des représentations d’êtres humains, comme, par exemple, le groupe de touristes sur le dessin *Bateau Vedette 1.
Hildegard Spielhofer (*1966) montre quatre photographies avec le titre Logik der Macht, 2007, représentant des socles en grès vides. Elle a découvert ces socles dans le Tiergarten à Berlin sur une place abandonnée, jadis appelée « Grossfürstenplatz » (« la place du Grand-Duc ») d’après le tsar Paul 1er qui a gouverné la Russie entre 1796 et 1801 et qui, suite à l’entente russo-prussienne, a souvent séjourné à Berlin. Sur les fondements se trouvaient autrefois les allégories des quatre grands fleuves de l’Allemagne : l’Elbe, l’Oder, le Rhin et la Vistule. Les sculptures ont été grièvement endommagées au cours de la Seconde Guerre mondiale ainsi que par les influences environnementales. Etant donné que le Sénat de Berlin manque de fonds pour leur restauration, il a décidé en 2002 d’entreposer les sculptures. Les socles abandonnés témoignent du caractère éphémère du pouvoir, et bien que l’histoire spécifique entre la Russie et l’Allemagne, symbolisée jadis par les socles, ait été oubliée, elle reste néanmoins présente dans les fragments à la manière d’une pièce de résistance.
L’objet d’Yvo Hartmann (*1961) consiste en plusieurs tableaux de commande jaunes de 27 mm d’épaisseur assemblés de manière à former une structure simple et corporelle. Les éléments individuels engendrent une forme qui rappelle un modèle d’architecture abstrait esquissant le volume de l’espace, les étages et la statique architecturale. En alternant entre sculpture minimaliste et modèle architectural, l’objet avec les tableaux de commande renvoie aussi à l’espace public ainsi qu’à l’utilisation provisoire du matériel sur les chantiers en guise de pont, de couverture ou de délimitation.
Elmar Zimmermann (*1976) présente un tableau expressionniste abstrait composé de chiffons de peinture de ses amis, un collage de reproductions d’art issus d’un calendrier et de morceaux de feutre d’industrie qu’il a composé sur la toile lâche en forme d’étoile. Pour ses sculptures et ses tableaux, l’artiste utilise des matériaux qu’il détourne de leur emploi habituel pour les réorganiser ensuite et les mettre dans un nouveau contexte. L’artiste s’intéresse souvent aux formes géométriques, comme des triangles ou des structures symétriques, assemblées dans les tableaux et les objets. La sculpture de lumière en tubes de néon, par exemple, est tenue seulement par de simples cordes grossières qui, tout en remplissant leur fonction d’attache, forment un filet de triangles et constituent ainsi un corps mathématique complexe.
Les photographies de Tobias Madison (*1985) montrent des extraits d’architectures interrogeant nos expériences spatiales habituelles. Avec sa caméra, l’artiste a capturé des formes nées par le hasard dans des espaces, comme un triangle de lumière entrante, de manière à ce qu’une ambiance énigmatique se produise dans ses tableaux. Tobias Madison se préoccupe des théories astrophysiques de l’espace ainsi que de la conception de l’espace des suprématistes et des futuristes russes. L’interrogation de la perception spatiale et la représentation non-figurative de l’espace sont d’une importance primordiale pour l’artiste, comme le montre aussi le carré plié en papier indigo qui fait allusion au carré noir de Kasimir Malevitch.
Le travail d’installation Bild *mit Netz, 2007, d’Anita Kuratle (1967) est un ensemble composé d’un élément mural et d’un découpage aux ciseaux effectué en carton photo noir et formant une sorte de filet. Les deux éléments sont disposés dans l’espace de manière telle que selon l’angle de vue, une image à deux ou à trois dimensions peut être perçue. Dans ses travaux, l’artiste se penche entre autres sur l’axonométrie, une méthode de représentation tridimensionnelle de plans et de formes utilisée en géométrie, mais aussi en architecture. Bien que le découpage aux ciseaux soit fixé à plat au mur, il forme, par la déformation perspective, un cambrage et envahit l’espace tel qu’un filet. Par cette irritation simple, mais riche en effet, Anita Kuratle rend visible la manière de fonctionner de la perception humaine.
Salle 2
Krassimira Drenska (1947) montre des travaux issus de ses deux séries *Joyeux objets perdus, 2007, et Herbarium, 2007. Les feuilles sont des pièces uniques réalisées en pression à plat en utilisant de l’encre de toner. Les Joyeux objets perdus comportent différentes formes auxquelles leur trame donne un effet corporel et, en partie, tridimensionnel. Les surfaces se rencontrent sur la surface du tableau, se superposent et alternent entre figuration et formations graphiques. Les travaux de la série Herbarium consistent en plantes et en fleurs assemblées à la manière d’un collage, refusant ironiquement tout catalogage scientifique et toute spécification biologique des végétaux.
Fabian Chiquet (1985) présente *Memory Stick, 2007, un tronc d’arbre qui, par des haut-parleurs intégrés, rend les bruits produits par le travail sur le tronc. Les bruits de la hache de l’artiste ont été, en partie, intensifiés et rythmés par le montage audio. L’objet, qui, par tradition, est d’un caractère statique, est ainsi amené à un niveau temporel. La transformation du tronc brut en sa forme actuelle se répète par le bruit sous forme d’une action performante, documentant ainsi continuellement l’histoire de sa propre existence. En même temps, l’artiste reste présent en tant que sculpteur vu que les bruits de son propre corps et de ses efforts sont également enregistrés dans l’objet.
Salle 3
En plus de la sculpture suspendue dans la salle 2 never-ending candle, 2007, Johannes Wald (1980) présente le grand objet *emptiness is as big as a tank, 2005. L’objet en bois, reprenant la forme d’un container cargo, laisse dans la salle aux proportions similaires seulement un passage étroit pour faire le tour de l’objet. Le volume spatial, dont on ne peut pas voir l’intérieur et qui n’est pas accessible, étonne au premier moment, mais évoque précisément ce sentiment d’inaccessibilité d’un lieu ou d’un espace stimulant notre imagination. La seule ouverture est fermée par une bâche de camion en forme de tuyau rappelant une partie d’un ventilateur. Dans l’installation de Johannes Wald, cet élément ne possède pas de fonction réelle, mais renvoie à notre désarroi face à la forme fermée, qui, malgré tout, nous réserve une nouvelle perception et expérience physique de la situation spatiale existante.
Salle 4
Le travail vidéo Der Traum der Vernunft gebiert Ungeheuer, 2007, de Pascale Grau (1960) a été réalisé dans le cadre de la série de projets Tableau Vivant* de l’artiste, qui se penche sur une forme d’art autonome située entre l’image et le théâtre : la reconstitution et la représentation d’œuvres connues dans l’histoire de l’art. Comme modèle, l’artiste a choisi le tableau Die Nacht, 1890 de Ferdinand Hodler qu’elle a reconstitué avec un groupe d’amis artistes. Le nouveau tableau montre un paysage de lits aux personnes endormies, situé dans une continuelle lumière vibrante. En représentant un tableau connu d’une manière inconnue, l’artiste pousse les spectateurs à une nouvelle interprétation : le but du projet est de réfléchir et d’interroger sur la mémoire collective, la richesse des tableaux et les valeurs d’un cercle culturel spécifique.
Mia Bailey (1975) montre un groupe de travaux vidéo présenté sous le titre général *Flight, 2007, qui, en anglais, possède les deux significations « vol » et « fuite ». Les scènes contiennent des processus de pensée abstraits par rapport à l’idée de l’emprisonnement et à la possibilité de la fuite. Les motifs picturaux se réfèrent, en partie, aux images et aux actualités des médias de masse, comme le montrent, par exemple, les personnes portant des masques protecteurs qui se cachent derrière un mur où elles attendent une menace incertaine, ou les femmes en bourcas se déplaçant comme des statues. Mia Bailey rend à ces motifs influencés par les médias, qu’elle montre dans des settings soigneusement composés avec des couleurs et dans des actions rituelles, une dimension poétique ainsi que surréelle.
Au cours de son séjour de trois mois à Belgrade, Andreas Zivkovic (1975) s’est chaque jour pris en photo avec son polaroïd. Montés en brève séquence de film, ces autoportraits sont accompagnés d’un texte parlé par l’artiste en mauvais serbe. *Ja Sam, 2006, est une approche de l’artiste, né en Suisse, de la patrie de son père. Alors que les autoportraits ne révèlent aucune indication sur l’heure et les circonstances de la photographie, la bande sonore réfère clairement à l’histoire de la famille Zivkovic. De par le fait qu’aucune traduction n’est disponible, les personnes ne parlant pas le serbe ne comprennent pas ce qu’il dit, le fort accent suisse de l’artiste gagnant alors de l’importance. Des lacunes dans la compréhension se produisent lorsque, par exemple, les polaroïds ne sont pas entièrement développées, des vides qui soulèvent des questions par rapport à l’identité et sa traduction en image et mots.
Salle 5
Les restes d’une action artistique sont à voir : des habits négligemment jetés par terre autour d’un sofa en cuir noir et un tapis perse accroché au mur présentant les mêmes traces de couleur que la paire de baskets par terre. Sein bester Job, 2007, est le titre de cette nouvelle installation de Tobias Kaspar (*1984), jouant avec les attentes du spectateur. Le travail de Tobias Kaspar ne met pas au premier plan l’événement unique de sa performance ; il transforme plutôt le lieu de l’action en un tableau propre. L’artiste interroge ainsi de manière ironique la pratique esthétique et le rôle de l’auteur dans l’art contemporain ainsi que l’obligation de productivité qui pèse souvent sur les artistes.
Les dessins de Jifei Lu (*1979) montrent des scènes de la vie quotidienne dans une grande ville chinoise. Elle se sert du médium de l’encre de Chine pour dessiner les portraits des citadins, alternant entre lignes délavées et contours précis. Faisant référence à la calligraphie chinoise, l’utilisation de l’encre de Chine noire permet à l’artiste d’éliminer toutes les couleurs qui font partie de la vie dans une grande ville et de se concentrer, à l’aide de contours et de détails précis, sur l’individualité des personnes dessinées. A travers les différents degrés d’intensité du noir et les tracés de lignes en parties très pâles, certains motifs se confondent avec l’arrière-plan présentant les personnages, à l’instar de scènes filmographiques, au moment du mouvement et de l’arrêt.
Pendant plusieurs mois, Lena Maria Thüring (*1981) a fait le portrait de hip hoppers à Mulhouse. En collaboration étroite avec les membres du groupe de musique « Metasmorphose », une série de photos est née interrogeant la formation de l’identité des adolescents. L’artiste a essayé d’en savoir plus sur l’auto-représentation de ces jeunes hommes, sur leur gestualité et leur mimique, et de découvrir à quel point les images de rôle imprégnées par les médias se confondent avec leur auto-perception. Entre autres, elle a aussi fait, et documenté en vidéo, des interviews avec les jeunes hommes. Les images de groupe, au premier abord offensives, avec des chaînettes en or et des habits de marque présentent des failles lorsqu’il s’avère incertain si la capuche recouvrant presque tout le visage est une expression d’un geste « cool » ou si le jeune homme se cache derrière celle-ci. Avec chez eux (Mulhouse), 2007, l’artiste interroge des phénomènes socioculturels et nous confronte également avec nos préjugés éventuels.
Ohne Titel (intensive care), 2007, de Kaspar Müller (1983) montre trois portraits de petit format d’une jeune femme qui regarde de manière énergique dans la direction du spectateur et semble, pour ainsi dire, le défier. Dans chaque tableau, les cheveux de la femme tombent d’une autre manière sur son visage suggérant ainsi le mouvement. Kaspar Müller se sert de manière humoristique de la technique de la peinture à l’aquarelle qui, dans sa coloration et son utilisation, s’appuie sur la peinture d’amateur ou le dessin de caricature. Dans ce travail, Kaspar Müller crée un moment d’irritation incitant le spectateur à réfléchir sur les mécanismes et les contraintes de style de l’art contemporain. À côté des aquarelles, Müller présente la petite sculpture *Ohne Titel (blue rope), 2007. La corde bleu n’est pas simplement une corde bleu, mais l’est devenue suite à l’intervention de l’artiste : il a aspergé une corde, qui initialement servait au fixage, de couleur bleue ce qui lui a donné sa forme rigide, immobile.
Le titre des travaux de Fabio Marco Pirovino (1980), *The Epiphany of Jan Grzewski, 2007, se réfère à l’histoire d’un Polonais tombé dans le coma en 1988, qui s’est réveillé seulement cette année pour se retrouver dans une toute nouvelle situation sociale. En se servant de cette histoire et en s’interrogeant sur les possibilités de la représentation, l’artiste se penche sur les glissements de rapports de pouvoir, sur leurs effets sur la société ainsi que sur la rigidité des structures prétendues solides. Ainsi, deux photos quasi identiques de sapins enneigés sont accrochées l’une à côté de l’autre, et un bloc de pierre de taille a incité l’artiste à effectuer une multitude de dessins qui se modifient d’un dessin à l’autre. Les transformations qui ont eu lieu depuis la chute de l’Union Soviétique deviennent un symbole pour les processus de décision visuels : chaque forme choisie comporte une multitude d’autres possibilités.
Kim Lux (1973) montre une composition murale de grand format avec le titre *Diptychonx:Diptychon9 (Abstandsfaktor: 1,25), 2007, reposant sur des règles conceptuelles mathématiques imposées par l’artiste soi-même. Il s’agit de panneaux en MDF, dont l’accrochage et le nombre réagissent au mur d’exposition respectif. L’élément de base consiste en quatre panneaux en MDF (de 30.5 x 30.5 cm) et peut être redoublé en étapes pour former des carrés toujours plus grands, alors que les écarts entre les quadrilatères différents reste variable (par exemple l’étape#3 serait 2 x 2 x 2 carrés). La taille du travail pourrait ainsi s’accroître à l’infini. En reprenant des références et des méthodes de travail de l’art conceptuel et minimal des années 60, le travail témoigne de la fascination de l’artiste pour l’irreprésentabilité de l’infini.
Escaliers
Sur deux écrans, Fabian Chiquet (1985) montre son travail vidéo consistant en *I decay, réalisé avec son groupe de musique « The bianca Story », et en l’annonce de sa performance live musicale « I don’t like Beuys/Boys », que l’artiste et son groupe présenteront à l’occasion de la Régionale8 le 27 novembre 2007 à 20 h au Stadtkino à Bâle. En reprenant le mode de narration et l’esthétique des clips musicaux, le film musical expérimental I decay de Fabian Chiquet parle d’un jeune homme dont l’entourage risque de se dégrader. Dans la confrontation continue avec son entourage hétérogène de la grande ville, le protagoniste réussi enfin à s’échapper du chaos et de la désorganisation et à se retrouver soi-même. Dans la performance musicale, le groupe « The bianca Story » combinera sa musique avec le film I decay et les vidéos de l’artiste Jan Van Oordt et va ainsi relier, dans un setting spécifique au lieu, le film, la performance et la musique. Après la performance au Stadtkino, un nouveau travail vidéo, réalisé à la place de l’annonce de l’événement live, sera à voir sur le deuxième écran.
Salle 10
Dans son projet de photos Ein Stück Europa réalisé de 2004 à 2007, Regina Hügli (*1975) explore le rapport et les relations entre le paysage et l’homme. Le travail se compose de deux séries d’images qui, entrelacées, forment un ensemble compact. L’Augarten de Vienne, où les portraits des visiteurs du parc ainsi que les photos du paysage ont été prises, fonctionne en tant que représentant d’un ensemble plus grand : dans le petit devient visible ce qui, au cours du temps, a marqué la région et ses habitants. Différentes générations et cultures se rencontrent dans l’ambiance baroque idyllique du parc qui, à son tour, a été exposé à de nombreuses transformations, comme les tours de canons antiaériens, qui marquent le paysage du parc, le montrent clairement.
Avec l’installation Orientalisches Café, 2007, Thomas Isler (*1967) a transféré le Townhouse-Café du Caire dans la salle d’exposition : des chaises en plastique, des tables en métal et la possibilité de s’arrêter pour boire une tasse de thé. Des écrans posés entre les chaises et les tables montrent des extraits d’entretiens que le cinéaste a menés avec les clients du café durant plusieurs mois. En les interrogeant sur leurs souvenirs personnels du jour des attentats sur le World Trade Center à New York, il a reçu des réponses à travers lesquelles se sont exprimées les répercussions sociales et économiques des attentats sur le quotidien des personnes interviewées. En reproduisant un entourage authentique, Thomas Isler, qui est surtout actif en tant que cinéaste documentaire, lance un regard critique sur la réception du monde arabe marquée par les médias et interroge notamment aussi sa propre pratique documentaire. En étant confronté aux témoignages individuels des hommes et des femmes du Caire, le travail offre la possibilité de s’ouvrir à un discours différencié.
Le projet schöne Frisur, 2007, de Martina Gmür (1979) et de Koffi-Yao (1971) fait partie des observations que les deux artistes ont faites lors de leurs voyages au Canada et en Côte d’Ivoire. La coopération se présente sous forme d’une série de panneaux en bois montrant des têtes aux coiffures populaires affichées sur les panneaux publicitaires des coiffeurs africains. Les différents types de coiffures sont fortement soumis à l’influence des modèles de la communauté afro-américaine et suivent donc moins les critères esthétiques que les valeurs sociales. Mis à part les réflexions sur les transformations spécifiques socioculturelles, les images témoignent aussi de la modification des motifs dans l’artisanat africain. Martina Gmür présente en plus deux dessins de rasoirs avec des câbles en forme de spirale encadrant la série de têtes. L’artiste a développé ce motif lors de son séjour à Montréal, pour lequel elle a obtenu une bourse, et se reporte à son observation qu’en hiver, les hommes se laissent pousser les cheveux et la barbe. Dans le projet schöne Frisur, les rasoirs font référence aux tondeuses utilisées, dans la plupart des cas, pour faire les coiffures africaines.
Avec son travail actuel Nasszelle, 2007, Gianin Conrad (*1979) présente une unité entièrement enveloppée d’argile humide contenant, à l’intérieur, une toilette et un lavabo reproduits de manière réaliste également en argile. Le lieu d’hygiène quotidien est fabriqué par l’artiste en argile, un matériel organique et naturel normalement utilisé pour l’extérieur. La construction, qui fait partie des types de construction les plus effectifs et les plus simples, rappelle aussi les temps archaïques qui forment un contraste avec les acquis de la civilisation moderne comme l’eau courante ou les canaux d’eau résiduelle. En même temps et avant tout, le travail avec la matière informe et brute représente pour Gianin Conrad le défi sculptural de faire alterner le caractère de modèle de l’espace entre la reproduction réaliste et le caractère artificiel d’une sculpture construite.
Les trois peintures à l’huile et à l’acrylique d’Olaf Quantius (*1971) proviennent de sa série *nomad paintings, *2007, traitant l’architecture simple et les structures des cabanes. Les peintures montrent en partie des granges abandonnées que l’artiste a découvertes dans les alentours de son atelier à Hégenheim. Les cabanes ne sont pourtant pas chaleureuses et ne présentent aucun indice d’une habitation ou d’une autre utilisation ; il s’agit de construction que l’on peut trouver un peu partout. Olaf Qantius examine de près les éléments individuels de la construction en bois, les parties de la façade et les surfaces et se sert de leurs formes et structures dans ses tableaux. Le côté nomade, comme quelque chose qui se trouve constamment en mouvement, se retrouve avant tout dans les différents processus picturaux ainsi que dans le côte à côte du figuratif et de l’abstrait.
Holger Salach (*1974) a profité de son séjour à Gênes, pour lequel il a obtenu une bourse, pour réaliser de nouveaux travaux ainsi que pour développer davantage son travail avec le médium de la photographie. L’utilisation de la photographie se manifeste non seulement dans *Veduta (di Genova), *2007, une vue en grand format de la vieille ville de Gênes, mais aussi dans les assiettes en céramique sur lesquelles l’artiste a fait peindre des motifs qui se basent sur des photographies de chiens dormants à Pompéi. Dans la ville ensevelie lors de l’éruption du volcan et aujourd’hui presque entièrement dégagée vivent de nombreux chiens nourris par les masses de touristes. Avec le mot « Kommensale » (« commensal ») signifiant un type d’interaction biologique entre deux organismes atypiques dans laquelle l’un des partenaires profite de l’autre, le titre du travail *Kommensale, Architektur (im Ruhezustand), *2007, renvoie au cycle parasitaire entre les chiens, les touristes et la ville.
Salle 11
Jan Voellmy (1978) présente *shine on, 2007, une vidéo montrant un diamant qui tourne sur son propre axe. Dans une brève séquence, le diamant se met à tourner, accompagné d’une musique grinçante de boîte à musique, et réfracte la lumière entrante imaginaire dans sa structure cristalline. Dans le film de Jan Voellmy, le brillant se présente dans le médium du film animé de manière absolument artificielle. L’artiste joue en même temps avec la signification culturelle des vrais diamants, avec leur intemporalité, leur préciosité et leur beauté parfaite dû à leur structure géométrique. Présentée dans une rotation avec un début et une fin, qui, par le film en boucle, fait penser à un mouvement d’horlogerie que l’on remonte encore et encore, la pierre précieuse renvoie aussi bien à l’éternité qu’au temps réel de sa contemplation.
Le titre de l’installation de Bettina Samson (*1978), *Operation Hurricane, *2007, fait référence au nom de code d’une mission militaire canadienne en Arctique qui démontre, année après année, les revendications territoriales de l’État canadien sur la petite île de Hans Island. Sur l’île entourée de glace, les Canadiens plantent régulièrement leur drapeau, qui, en raison de la dureté du climat, est tout le temps détruit. L’État danois, qui a les mêmes revendications territoriales sur l’île, répond avec des opérations similaires. L’intérêt apporté à cette île se base sur le fait qu’une fonte des glaces causée par le réchauffement du climat permettrait la pêche et la recherche de pétrole. Pour son installation, Bettina Samson s’est servi des communiqués de presse concernant le conflit entre les deux pays qu’elle a appliquées sur différents modules. Un anémomètre (appareil permettant de mesurer la vitesse ou la pression du vent) installé sur le toit de la Kunsthalle règle leur éclairage : quand le vent souffle plus fort que 4 km/h, les modules commencent à s’éclairer. Vu que la lisibilité du texte dépend de la force du vent, l’installation réagit de manière ironique sur les nouvelles géopolitiques, mais renvoie aussi au climat extrême sur Hans Island, étant donné qu’une tempête serait la présentation optimale du travail.
Salle 12
Dunja Herzog (1976) montre cinq cages pour petits animaux avec des portes ouvertes. Le titre *FLUCHT se réfère dans ce travail moins aux fugueurs éventuels qu’aux ombres s’élevant derrière les cages accrochées au mur. Avec un spot, l’artiste illumine l’espace de manière à créer une profondeur perspective derrière les barreaux qui rappelle des architectures. Les fines lignes de l’ombre, qui, selon l’angle de vue, donnent toujours une autre vue de la perspective et du volume, font penser à des dessins au crayon de contours de bâtiments. La transformation et la présentation libre des cages insinuent en même temps la métaphore pour la fuite, peut-être comme une réflexion sur la thématique actuelle des réfugiés en Europe et aussi comme une invitation à penser librement et à se libérer des angoisses sociales.